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L’infertilité masculine : tabous et égalité des sexes.

Dernière mise à jour : 4 mars 2021


Avez-vous déjà vu la Vénus de Willendorf ? Cette statue haute comme un stylo et vieille de 25 000 ans est une allégorie universelle de la fécondité sous les traits d’une femme nue aux parties génitales marquées. Cette Vénus a de nombreuses consœurs puisque la plupart des peuples et des époques ont connu leur représentante de la fécondité. S’il existe des versions masculines, comme Eros ou Priape chez les grecs, ils sont beaucoup moins nombreux et souvent associés à la virilité plus qu’à autre chose.

Pendant des siècles, on a pensé que les enfants n’étaient le produit que de la femme, l’homme ayant, tout au plus, le rôle de réveiller par l’acte sexuel, la petite graine enfouie dans les tréfonds du ventre maternel. L’absence de descendance incombait alors entièrement à l’épouse incapable et pouvait mener à la répudiation, voir à la mort. La légitimité d’un héritier étant liée uniquement aux liens du mariage, la part de l’homme dans la procréation semble encore une fois très ténue. En fait, ce n’est que grâce à l’invention du microscope au XVIIème siècle que l’on a découvert les spermatozoïdes, gamètes masculins. Il a fallu ensuite attendre le XXème siècle, c’est-à-dire il y a à peine plus de 100 ans, pour que l’on comprenne que c’est la contribution d’un spermatozoïde masculin et d’un ovule féminin qui donne naissance à un être vivant. Ceci explique que la recherche médicale sur la fertilité masculine en est encore à ses balbutiements et que peu de choses sont connues comparativement à ce que l’on sait sur le système reproducteur féminin.


L’homme est un piètre reproducteur lorsqu’on le compare aux autres membres du règne animal, avec une grande proportion de spermatozoïdes anormaux par éjaculat. D’après le plus récent standard de l’Organisation Mondiale de la Santé, si un homme possède seulement 5% de spermatozoïdes bien formés et mobiles dans un éjaculat, il fait partie des 95% des hommes les plus fertiles. D’ailleurs, les problèmes de stérilité dans un couple, dont la fréquence ne cesse de croître avec les années, sont imputables autant à l’homme qu’à la femme de façon égale. D’ailleurs, à cause de l’histoire très récente de la recherche en andrologie, pendant masculin de la gynécologie, près de 50% des cas d’infertilité masculine sont dits idiopathiques, c’est-à-dire sans cause identifiée.


Cette reconnaissance extrêmement récente de l’infertilité masculine pourrait expliquer les nombreux tabous existant autour du sujet. Pour certains, la ligne est floue entre la capacité à engendrer une descendance et les notions de masculinité ou de virilité. C’est pourquoi de nombreux hommes touchés par l’infertilité peuvent avoir besoin d’un soutien psychologique pour dissocier le problème médical de la construction sociale qui l’entoure. Ces tabous pourraient expliquer le fait que peu d’hommes prennent soin de leur santé reproductive. Que ce soit pour des questions de contraception, de dépistage de cancer ou pour des suivis de grossesse, l’appareil génital d’une femme est souvent scruté à la loupe par le corps médical, avec des rendez-vous gynécologiques souvent annuels même en l’absence de problème de santé déclaré. En revanche, rares sont les hommes qui consultent régulièrement un urologue. Cependant, les avancées scientifiques en la matière s’entendent pour dire que la santé du père lors de la conception d’un enfant est également importante. Alcool, drogues, prise de médicaments, surpoids du père et sédentarité laissent des marques sur les gènes des spermatozoïdes. Ce marquage dit « épigénétique » modifie non pas le contenu du bagage génétique mais la façon dont la cellule l’interprète. Ces marques épigénétiques influencent concrètement le développement du fœtus. Les différents toxiques auxquels le père s’exposent ont également des effets néfastes sur la production de spermatozoïdes de qualité.


Ces découvertes sur la fertilité masculine ont rapidement mené à la recherche d’une contraception hormonale masculine, une « pilule pour hommes ». Même si la demande pour un tel produit est forte, la difficulté de créer une formule pharmacologique efficace, sûre, pratique et facilement réversible retarde sa mise sur le marché. Mais la pilule pour homme fait également partie des moyens pour améliorer l’égalité entre les sexes. En effet, la responsabilité de la contraception est une charge mentale indéniable, en plus de son coût financier et de ses effets indésirables sur la santé physique et psychologique. Ainsi, l’hypothétique contraception hormonale masculine permettrait non seulement aux partenaires masculins de prendre conscience de cette responsabilité, mais aussi de leur donner un contrôle sur leur fertilité. Car laisser sa partenaire être la « capitaine du navire » peut rendre la croisière plus agréable, mais ne laisse pas toujours le choix de la destination. La pilule contraceptive masculine pourrait enfin venir complémenter ou remplacer la contraception hormonale de la partenaire lorsque celle-ci ne lui convient pas. En Amérique du Nord, beaucoup d’hommes choisissent de plus en plus ouvertement la vasectomie comme moyen de planification familiale, mais il est important de préciser qu’elle constitue une stérilisation quasi-définitive et non une contraception réversible. Il est donc tout à fait possible de distinguer la notion de virilité de la capacité à féconder une partenaire.

Ainsi, que ce soit pour partager la charge mentale d’une partenaire, prendre le contrôle sur sa fertilité ou repenser son rapport à la masculinité, il est important que la recherche en andrologie soit valorisée et mieux financée pour que les tabous envers la santé reproductive masculine se brisent.


Références :

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Martin Lasalle. Infertilité: se blâmer peut entraîner anxiété et dépression dans le couple. Forum UDEM. https://nouvelles.umontreal.ca/article/2018/05/14/infertilite-se-blamer-peut-entrainer-anxiete-et-depression-dans-le-couple/. Published 2018.


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